Marc Belderbos
voit, en 1972, l’architecture pour occuper sa vie par son autorité silencieuse.
Il s’introduit à la discipline à Louvain la Neuve (UCL) en Belgique.
Un seul enseignant, Yves Lepère, y enseigne
dans la certitude que
l’architecture est l’équi-voque connaissance
de la première tenue dans le Réel de la matière
et
de la première tenue dans le Réel de l’humain-sujet.
Lepère possède aussi un certain génie didactique qui est de repérer et d’indiquer
les indices des actes de cette connaissance dans le travail des étudiants.
Lepère est, pour tout ce qui est théorie, silencieux.
Il évoque les pensées et, par là, convoque la pensée.
(Voir prochainement ici un petit texte d'hommage intitulé 'La Non-Pensée d'Yves Lepère').
Lepère a longuement travaillé chez Louis Kahn dont il considérait l’attitude juste:
Kahn tenait l’architecture pour mémoire de tous les temps
et par là précédant le temps
dans le silence inaugural
de la loi disposant le passage du Réel à la Réalité,
c’est à dire :
le passage silencieux de l’impossible aux possibles
inaugurant ainsi la première opération de ‘distinction’,
établissant le langage d’avant la langue
ou, autrement dit
la prise de la matière dans une forme signifiante
et
le passage silencieux d’un signifiant à un autre
ou , autrement dit
le passage silencieux d’une matière à une autre,
ou , autrement dit
le passage silencieux d’un possible à un autre possible.
Lepère a donc inauguré, par cette intrigue de la loi silencieuse,
la pensée de l’architecture de Marc Belderbos.
*
A l’inauguration de la pensée, il n’y a encore rien de formé,
mais seulement la conviction silencieuse que, de l’architecture,
c’est le dessin de sa matière et de sa loi qui compte comme événement inaugural.
Et que les mots comptent aussi!
Ils ne content pas, ils comptent.
Ils tranchent.
Et leurs tranchées dessinent et rythment l’ouverture du signifié.
Le petit recueil ‘énonciation d’angoisse et d’innocence’,
- mémoire en fin de ses premières études -,
fait signe de cette position. (Lire bientôt ici)
Les mots, comme l’architecture, sont ‘nombre’,
comme ce qui est donné par un ordre et une partie de cet ordre
à son inauguration.
Les mots ont ainsi, nécessairement,
une part inaugurale d’un possible dans l’impossible.
Les mots forment, en part, des évènements inauguraux.
En son insu, Marc Belderbos s’interroge sur l’inauguration de la vie.
L'inauguration de la vie anthropique...non animale...
Et sourdement, il y rapproche le dessin, les mots et l’architecture.
Et il les joint aux vocables:
poésie ou événement inaugural, et précision mathématique.
Déjà se conçoit que la raison de l’architecture se tient du poème et du mathème.
*
Ne pensant encore rien, Marc Belderbos, va à Paris en 1978 et 79
où il n’apprend rien, chez Bernard Kohn,
mais où il voit la grande ville et ses phénomènes.
En 1980, il va à Rome.
Il y étudie à l’Université la restauration d'architecture.
Non pour devenir restaurateur
mais pour la richesse des méthodes de constructions
et pour la connaissance des maîtres des temps anciens.
Au même moment,
un ami professeur, Ignace Vandevivere,
lui confie la collection Bauthier de dessins de Rome par des maîtres du Nord.
Marc Belderbos visite, étudie, et finalement connaît Rome,
cette ville didactique de toute l’architecture européenne:
grecque,
romaine,
les diverses renaissances manquées du Moyen-Âge,
tout ce temps médiéval de la perte de l’humain de matière empirique naturelle romain
et de la construction de l’humain
central à lui-même et distant au Réel
de la Renaissance humaniste,
le maniérisme, notamment de Perruzi qu’il mesure avec son ami Mark Wilson Jones,
le baroque de la multiplication des centres et de la fiction de l’infini,
le noir de Piranèse, la grâce trompeuse des lumières,
le romantisme et la réaction rationaliste,
le mouvement moderne,
le moment post-moderne.
Il passe des mois à l’institut Max Planck dans la Bibliotheca Hertziana
avec Frommel , Winner, Nicole Crifo-Dacos
et il découvre enfin l’auteur d’une grande part des dessins,
Eugène Ciceri scénographe à l’opéra Garnier.
Découverte mineure,
mais un temps splendide pour lui,
à ordonner l’évolution de la connaissance de l’espace dans les temps passés.
Marc Belderbos travaille, une demie année ensuite,
au contact de Paolo Portoghesi
dont l'oeuvre écrite, l’ampleur en culture et la solidité mentale et verbale le fascinent
mais dont l’architecture le répugne.
Mais à Rome enfin, il rencontre aussi le Gruppo Romano d’Architetti e d’Urbanisti, GRAU. Essentiellement Alessandro Anselmi et Franco Pierluisi
mais aussi Pierluigi Eroli, Gabriella Colluci, Enzo Rosato e Francesco Cellini.
C’est la Biennale de Venise,
la Strada Novissima de Portoghesi
avec la mémorable façade du GRAU dessinée par Anselmi,
tombe du modernisme et du post-modernisme ,
qu’on traversait pour trouver la joie de l’événement dans l’histoire
C’est ‘Controspazio’,
le marché aux fleurs de San Remo,
les projets de Santa Severina en Calabre.
Mais c’est le projet d’Anselmi pour les Halles de Paris
qui marque avant tout que
ce sont la prise en matière de l’architecture et sa disposition
qui sont fondatrices de la connaissance
de la tenue au Réel et dans le monde
de l’anthrope su-jet,
à savoir fondatrice de sa dignité.
C’est là,
dans ce lieu de travail de la pensée d'une architecture,
travail d’abord de suture au tissu d'une certaine histoire de l’architecture
puis d’accueil du jet événementiel du projet,
qu’est né Marc Belderbos en 1981.
Anselmi le passione; lui propose un fil de l’histoire.
Anselmi lui réenseigne tout:
la matière,
la matière du dessin,
la matière des mots,
la matière du sujet,
la matière d’une société,
la matière d’un monde,
la matière de l’architecture,
l'architecture comme dis-position de la matière.
Il vit dans l’idée d’un communisme de matière
ou d’un communisme de possible
tranchant dans l’impossible là où la tenue élancée, -ce qui fait sujet-,
a la force de localiser les nouvelles vérités dans une immanence sans dieu.
Anselmi, -l’homme digne-,
a une tenue propre à ceux dont l’articulation du verbe est établie avant qu’ils ne parlent.
Il a travaillé à savoir tout ce qu’il y a,
et a cultivé la construction de ce savoir
pour y voir et y faire voir un ‘savoir voir’
propre à ceux, -rarissimes!-,
qui tiennent l’architecture pour
un secteur de la connaissance de la tenue première du sujet et de la société,
et cela malgré le Réel, malgré l’impossible.
Il est de ceux, -rarissimes-,
qui tiennent que
cette tenue première a une histoire sans fin
dont l’aboutissement n’est pas dans la terreur de l’actuelle inconsistance marchande.
Pour Anselmi, l’histoire n’est jamais à bout.
L’histoire est toujours in-finie.
Et, de plus, s’il y a bien un fil de l’histoire
et si nous sommes bien la somme de l’histoire,
il est tout aussi tranché que l’histoire ne fait pas l’histoire qui vient.
Pour Anselmi,
l’histoire qui vient est faite d’événements,
parfois, mais rarement, apparemment nécessaires.
Evénements qu’il s’agit de laisser sur-venir
par l’attention, en bonne position ouverte, à l’imprésenté.
Anselmi saisit et resserre
la merveille et l’horreur de ce temps d’ouverture à l’imprésenté,
dans son travail de la ‘centralité non renaissante’
où le centre ne se trouve plus dans le corps physique de la chose pourtant architecturée
ou, -en plus cassant -,
où le centre ne se trouve plus!
Marc Belderbos sent bien là chez Anselmi une véritable pertinence,
bien au-delà de la misérable adéquation
au temps présent
des représentants de la Réalité
ou au temps passé
des représentants de la mort.
Ce que Anselmi affirme est
que l'anthrope,
pour vivre,
ce n’est pas dans la composition avec la Réalité
qu’il parviendra à établir sa dignité
mais en se rendant au Réel face auquel il se place,
non pas dans l’illusion de la Réalité déjà tranchée,
mais dans la tenue d’un désir dans ce qui n’est pas encore montré, ni dit : le Réel.
‘La centralité non renaissante’,
est le signifiant de cette architecture de l’hétérotopie.
(Nous utilisons souvent le mot 'anthrope',
sur intelligente proposition de Jean Stillemans,
pour éviter la confusion, même partielle,
avec le flou dangereux de 'humanisme' contenu dans 'humain', 'être humain'...
Quand nous utilisons néanmoins le mot 'humain'
c'est dans ce sens d'anthrope contenu dans anthropologie.
Autre distinction importante : Réel – Réalité.
Le Réel est ce qu’il y a présenté ou non, mais agissant. Sans mot sans conception.
La Réalité est ce qui du Réel est compris , nommé, symbolisé.)
L'anthrope, dans cette pensée, a une dignité majeure:
pouvoir se tenir au pas du Réel
où son désir peut s’étendre dans une désidération à l’autre.
La distance maintenue
de soi-même à soi
ou de soi in-fini à l’autre imprésenté
qu’il faut susciter sans fin par le désir,
est le fonds du lieu
qui doit alors être projeté.
Voilà enfin une Raison à l’architecture,
suffisante à rassembler les dits de Cantor, Freud, Gödel, Lacan….,
et l’architecture du pavillon de Mies,
du Corbusier dans sa maturité finale (Ahmedabad, Chandigahr…. )
et de Kahn !
Fin de l’enclos!
Fin de la colonne!
Fin du volume!
Toute l’architecture d’Anselmi est
de lignes,
de plans
et de surfaces.
Fin de l’humain-enclos rassemblé sur soi!
Fin de l’humain-colonne central à lui-même, comme un point, face à tout!
Fin de l’humain-volume opposant un intérieur propre à un extérieur étranger!
Et, -enfin ! -, un humain exposé
à une suite, une succession, et un tra-jet de ‘lignes’ dans le Réel!
Enfin!, un humain exposé par le ‘plan’
à toucher le vide de l’événement dans le Réel coupé!
Enfin!, un humain de ‘surfaces’
se courbant et se pliant dans la logique des concepts des événements dans le Réel.
Enfin un humain vivant et en acte!
Enfin donc un humain se rendant au ‘Réel’ du lieu!
Marc Belderbos sera définitivement lié
à cette pensée de l’architecture pour la vie en acte,
telle qu’il l’a sentie chez Anselmi,
et à laquelle il a travaillé sans cesse depuis lors sans jamais pouvoir la dépasser.
Il rentre, malheureusement, en Belgique en 1983.
La tension du pays plat est un crachin misérable
face à l’histoire et l’espace intellectuel, social et politique
de l’Italie.
Il y avait vécu, tout jeune, ‘les années de plomb’
dans une certaine fascination
pour cette proximité à une révolution voulant un peuple de pensée et d’actes de pensée,
plutôt qu’un peuple tranquille assujetti au droit injuste de la sclérose obscure de l’’Empire’,
vacillant vite dans le culte avilissant de l’’identité’,
versant elle-même rapidement dans la destruction de l’autre.
Il y avait vu Enrico Berlinguer
dans son sourd et puissant engagement dans les ténèbres de la Politique
à essayer de tenir, pour le peuple,
le communisme par la matière première de son idée.
Il y avait vécu dans la fascination de Pasolini,
autre homme digne et tout droit incliné
vers la tenue et la défense
de la dignité des anonymes,
de la matière première de la culture générant des gens communs
qui à leur tour génèrent l’espace commun par la trace de leur gestes remontant à l’antique.
Pasolini qui venait d’être tué
par le bord de ceux de la sclérose obscure et de l’’identité’,
qui ourdissaient déjà
et feront sauter les carnages de Bologne, Brescia, Milan….
Il y avait senti
dans la puissance de ces figures et de leur discours
que l’Italie devait contenir
le fonds agissant de la disposition de la matière,
traversant le temps.
Une sorte de culte silencieux de l’arkhè matériel pensé.
L'italie contenant matériellement
tout le fil de l'histoire
de la pensée comme de l'architecture
depuis Parménide jusqu'à nos jours...
L’Italie donc...
comme un lieu ...
des lieux de l’histoire première de l’architecture
et comme le lien
dans la tenue, la parole et le dessin,
à la matière première
remontant à ce qui nous est antique si pas archaïque.
*
Mais Marc Belderbos est donc en Belgique,
pays sans histoire et sans autorité,
sans aucun bonheur de l’intellection de l’architecture.
Il est seul.
Il est encore jeune et sans argument prononçable dans cette misère
où il lui semble que
trop de figures-architectes et de figures-théoriciens
se croient élevées alors qu’elles n’élèvent rien.
L’enjouement, la cordialité et la courtoisie de l’inconsistance académique
le reculent à distance.
Il ne parvient à penser qu’avec très peu de gens.
Jean Stillemans, qui avait étudié avec lui, est déjà là
dans une amitié affamée de consistance
et de mises aux points ancrées de la connaissance.
Marc Belderbos enseigne un peu à l’Université
mais seul au milieu de prétentieux
qui lui rendent bien ce mépris pourtant sans méprise.
Pierre Marchal,
philosophe, assistant de Jean Ladrière,
fasciné et façonné par le silence,
apparaît alors par son écoute généreuse
et pose les questions qu’il faut sur l’architecture.
Toutes autour de celle-ci :
‘comment cela se fait que cela se tient?’
Question qu’aucune autre ne précède.
Question qui indique bien d'emblée
que l'architecture est une affaire de 'tenue'
et non pas de forme en figure.
Et par là de dis-position de matières
plutôt que de com-position de figures.
Pierre Marchal
ne pense, n’échange, et ne travaille que par hypothèses.
Il prend ‘l’hypothèse’ comme fertilité
aux formulations de l’approche de la connaissance et de son opération.
Il ouvre la pensée.
Il ne la clôt pas.
Les ‘thèses’ sont, pour lui, de l’ordre de l’autre monde révolu.
Les thèses sont l’enclos des idéalismes.
Finis les enclos !
Finis les idéalismes !
Finis les misérables transcendances idéalistes pour Pierre Marchal.
Le Réel ouvert de l’hypothèse, affirmation interrogative, est seul fé cond
et seul garant de l’immanence des vérités.
Pierre Marchal est donc là, véritable pro-moteur,
quand Marc Belderbos commence à écrire un doctorat qui n’est pas une thèse.
Ce doctorat...
Yves Lepère regarde. Et lit. Mais n’intervient pas.
René Lavendhomme, le mathématicien qui pense déjà aux ‘Lieux du sujet’,
y est attentif et soutient la prise de consistance théorique.
Il comprend que le texte
se veut mathématique,
déblayé de réalisme,
c’est à dire inaugural.
Luc Génicot, historien réaliste et donc conformiste,
est malheureusement maigre.
Il ne voit pas et ne comprend pas qu’il s’agit, dans ce texte,
non pas d’architecture mais de l’ opération d’’architecturer’.
Marc Belderbos quitte alors l’université....
qui ne le retient pas,
... par peur.
Il est vrai qu’aucun 'maître' de l’enseignement à l’école d’architecture de l’UCL
n’a, à ce moment,
ni doctorat ni même un écrit important concernant l’architecture.
Marc Belderbos écrit son doctorat hors université.
Mais Pierre Marchal est là,
et maintient,
mot à mot,
une conversation dialectique,
à croissance réciproque,
avec Marc Belderbos et le texte qui s’écrit,
mille jours durant.
Le texte est hybride.
Il est d’une précision mathématique et poétique inattendue.
Marc Belderbos laisse d’ailleurs le texte s’écrire lui-même.
Il est plutôt ‘vigilant’ à le dépouiller de son ‘auteur’,
c’est à dire de tout ce qui n’est pas inaugural.
Le texte finalement se nomme ‘La raison de l’augure’ et se tient en trois parties :
1- Résonance de la Raison, ou le dépouillement du commencement.
2- Stances à distance, ou la mise en place du commencement.
3- Le déroulement du commencement. (Histoire de l’’architecturer’ européen).
Le texte est déposé en 1990.
Les mêmes académiques qui avaient peur ... ont encore peur
et ne savent pas quoi dire ni quoi faire.
Ils ne comprennent pas,
et ne comprendront jamais.
Marc Belderbos lui-même d’ailleurs,
ne sait pas
si son texte est un pas au-delà de la connaissance et un avancement pour la pensée.
Il ne propose aucun argument de défense.
Deux années passent dans la misère et l’enclos de la peur.
Pierre Marchal et Yves Lepère présentent alors le texte
à Jean Ladrière qui fait autorité par-dessus tout.
Ladrière n’a pas peur.
Il prononce le mot ‘génie’
et écrit quelle est l’autorité qui doit être accordée à ‘La raison de l’augure’ (lire bientôt ici).
Il est président du Jury et le doctorat est reconnu en fin 1992.
('La raison de l'augure' a récemment été retravaillé et sera publié sous peu par les éditions 'Architecturer.net' )
Mais hors cadre académique, Alain Badiou,
dont Marc Belderbos avait lu, le plus beau livre, ‘le Nombre et les Nombres’,
ainsi que ‘L’être et l’événement’,
lit le doctorat aussi
et écrit :
‘….votre livre m’a donné le sentiment
d’être le premier à établir dans la pensée le génie de l’architecturer’. (lire ici)
Les mots de Ladrière et de Badiou sont si vertigineux
que Marc Belderbos ne les croit pas.
Il ne peut les croire d’ailleurs.
Car il pense à ce doctorat comme au premier pas d’un enfant qui vient de se lever,
sans plus.
Puissant, mais insu et sans autorité.
Marc Belderbos ne se reconnaîtra jamais aucune autorité.
Il passera juste sa vie à faire des pas en fièvre,
dans une quête de consistance hors de toute existence.
Mais là, avec ce doctorat, un premier temps de sa vie se conclura.
*
La vie d’architecte de Marc Belderbos est,
dans un deuxième temps,
une ‘longue’ insistance dont il ne saura jamais si elle est
constante, fidèle, persévérante, obstinée ou têtue.
Elle ressemble à une suite d’essais,
de dessiner,
de dire,
de mieux dire
et de bien dessiner
la tenue première de la matière
pour l’architecture.
Tenue première de la matière
qu'il croit aussi,à son propre insu,
nécessaire
car
donnant
la tenue première
de l'anthrope-sujet
devenant Sujet capable.
Tenue première
instituée violemment
entre le Réel sans tenue
pour sous-tenir,
en premier lieu,
par cette inaugurale notion de tenue
la capacité d'établir
une Réalité,
- hors Réel, hors Nature -,
c'est-à-dire établir
le Symbolique.
Et Marc Belderbos est seul avec cette pensée....
Tous les autres pensent l'architecture
en soi,
extérieure à un 'être humain'
capable en soi et a priori de jugement
capable en soi et a priori de distinguer le beau.
Tous les autres ne pensent pas l'architecture
nécessaire à l'anthrope-sujet.
*
Ce deuxième temps, restera
dans l’empreinte de
deux porteurs de pensées majeurs à ses yeux:
Alessandro Anselmi et Alain Badiou.
Alain Badiou dont il suit le travail depuis les années 80 et les séminaires depuis 1995.
Alessandro Anselmi qu’il fréquente depuis 1980.
La réception de leur pensée par Marc Belderbos
et leur ré-énonciation aux fins de son entreprise,
constituent sa biographie en pensée.
La voici donc….
*
Alain Badiou et Alessandro Anselmi ne se connaissent pas.
Mais aux yeux de Marc Belderbos,
ce qui réunit Anselmi et Badiou.
est l’idée du communisme.
Non pas le communisme déficient
des régimes d’État ou des partis révolus,
mais l’idée du communisme.
Il s’agit d’une idée de la vie
qui la convoque et la provoque,
mais ne l’atteint pas et ne la tue pas.
Cette idée est l’idée
d’un anthrope-sujet qui ne trouve sa vie, ou son sujet,
que dans une sorte de
croisement multiple avec la vie des autres
au point que
son Être ‘est ’
ce multiple croisement des autres.
C’est donc l’idée
d’un sujet qui n’existe pas en soi a priori.
Son existence,
c’est-à-dire son devenir ‘Sujet capable’,
se fait de ce croisement multiple des autres.
Croisement multiple des autres qui ne sont pas seulement d’autres anthropes-sujets…. :
Des sites matériels ou virtuels peuvent devenir des sites mentaux
et laisser se susciter des événements
dont le premier, -nécessaire-, est l’architecture,
dont l’existence permet à l’anthrope-sujet
de se discerner du Réel.
Par ce croisement des autres,
l’enclos de l’identité sur soi lui est donc étrangère.
Étrangère à cette vie et à cette Idée.
Cette vie n’est jamais identique à elle-même ;
précisément par cette Idée.
Car cet anthrope-‘sujet’ est a priori sans sujet ni objet.
Il doit d’abord ‘se trouver’
d’avoir accueilli ce croisement multiple qui l’articule,
… comme le ferait un verbe.
C’est cela l’idée de ce sujet.
Cette idée est comme un verbe.
Cette idée est comme le verbe
sur lequel s’appuie l’architecture de la sentence.
L’idée, en ce sens,
trouve ou construit son sujet et plus tard son objet.
Et cette idée,
comme cette vie,
se sous-tient de
la traversée de l’autre et des autres.
De leur croisement multiple.
Par tout cela, la formule de Henri Laborit
‘Le sujet n’existe pas (a priori), il est le croisement des autres’
est pour Marc Belderbos un grand et persistant thème de pensée.
Le sujet en soi n’existe donc pas a priori.
Il n’est pas central à lui-même.
S’il croit que son mode d’être
est l’existence de soi-même par soi,
s’il croit qu’il est
comme un enclos ou comme une colonne
prétentieusement fini,
il se fourvoie.
Il se fourvoie
dans une prétendue suffisance de identité séparée,
mais bien-sûr misérablement insuffisante,
et par là dans la nécessité de la création d’un Dieu
et
dans la vision de l’autre
rapidement comme danger hors de soi ou extérieur.
Cela mène de la peur à la guerre.
Au contraire,
si,
pour être,
la voie du sujet,
non central à lui-même,
est le ‘croisement des autres’
ne rassemblant donc pas l’être sur lui-même,
alors apparaît
la consistance du commun,
c'est à dire d'un communisme entier.
Et elle apparaît comme seule à traiter!
‘Le problème est du côté du même’
dit Badiou dans son éthique.
C’est bien vrai quand il est sur soi.
L’idée du communisme dit :
Ne soyez pas vous-même!
Ne soyez pas identique à vous-même!
Ne soyez pas dans l’enclos de l’individualisme.
Éloignez-vous de vous-même
et dans la distance,
placez le séjour du croisement des autres.
Vous y trouverez un être de désir… dé-sidéré.
On voit là
une convocation très primitive de la vie
dans une vitalité
de la ‘délocalisation locale’ de soi,
de l’exposition à l’autre,
et de la traversée de l’autre.
Seul l'anthrope non animal ,
l’anthrope-sujet,
sait faire cela
-une délocalisation locale-
hors Réel, hors Nature,
et vivre par une hétérotopie propre,
in-finie, infinie,
et par là immanente
et sans dieu.
Et tout cela, on le sent bien,
est une idée extrêmement primitive.
Est une idée d’autorité première.
Est un Arkhè-.
L’arkhè- de l’arkhè-tekton
L’arkhè- de l’architecture.
La ‘délocalisation locale’
indique sans doute la même pensée que
'la centralité non renaissante',
de l’architecture d’Anselmi
ou
le non-humanisme
de la pensée d’Alain Badiou
Elle indique le passage
de l’objet enclos en soi particulier
à la chose en sa tenue,
dénuée de particularismes
et portée
à la dignité du commun
ou à la dignité d’une vérité pour tous.
La ‘délocalisation locale’
indique sans doute aussi
la non-centralité du sujet à lui-même,
base de toute l’œuvre d’Alain Badiou,
selon Marc Belderbos,
qui porte le sujet et sa pensée
en une triple non-opposition active ou ‘verbale’ :
Non-opposition entre intérieur et extérieur.
Non-opposition entre fini et infini.
Non-opposition entre face et profondeur.
C’est-à-dire d’une triple ouverture
active ou structurante
comme un verbe :
Ouverture structurante entre intérieur et extérieur.
Ouverture structurante entre fini et infini.
Ouverture structurante entre face et profondeur.
Eh bien, selon Marc Belderbos,
là fut le travail architectural d’Anselmi,
là fut le travail de pensée de Badiou.
Ce furent
le fond d’appui
et le fonds, ressource de relance
de la pensée et du travail de Marc Belderbos.
Et cela a occupé la vie de cette pensée.
*
Tout cela pris du temps….
On verra cela dans la consécution
des différents écrits et projets d’architecture
de Marc Belderbos sur ce site.
Tous dans une longue insistance
sur ce qui est indiqué ci-dessus.
Dans les écrits,
on le verra à la lecture de ces pensées
en permanente maturation du même thème.
Dans les projets,
on le verra dès les petits idéogrammes inauguraux
qui synthétisent un projet.
Aucun n’indique un lieu clos.
Aucun n’indique une ‘image’.
Aucun n’indique une figure nommée d’une ‘quelque chose’.
Chaque idéogramme indique
une structure en arkhè- ou une ‘tenue’
toujours ouverte.
Toujours en ouverture structurante…
Chaque idéogramme exprime
une idée en ouverture in-finie
et non un concept fini.
Et on ne pourra jamais
donner un nom à cette idée.
Car ce n’est pas un concept.
Cette idée est une tenue ou un verbe ,
par essence ouvert et in-fini.
Par cela…,
Parce qu’on voit un verbe ou une tenue,
on sent bien qu’elle est hors Réel qui est sans tenue indiquée.
Parce qu’on ne voit aucun concept auquel on pourrait donner un nom,
on sent bien qu’on est hors Symbolique ou tout a un nom.
Parce qu’on ne voit aucune figure reconnaissable,
on sent bien qu’on est hors Imaginaire.
Ce qui ne veut pas dire que l’architecture de ces projets
soit en dehors de la configuration
Réel – Imaginaire - Symbolique
qui sont tous les trois à distance entre eux.
Le Réel, l’Imaginaire, le Symbolique
ne sont pas en tas.
Il s’y trouve au moins trois ‘entre-deux’ :
- Entre le Réel et l’Imaginaire ,
il y a un passage actif d’un état à un autre.
On pourrait nommer cette énergie… l’esprit.
- Entre l’Imaginaire et le Symbolique,
il y a un passage actif d’un état à un autre.
On pourrait nommer cette énergie… la nomination.
- Entre le Réel et le Symbolique,
il y a un passage actif d’un état à un autre.
On pourrait nommer cette énergie… le verbe.
Le verbe
en son autorité primitive,
en son arkhè- .
En son arkhè-
tout à fait nécessaire.
Cela,
ce passage actif,
cet intervalle nécessaire,
le verbe,
en son autorité primitive,
en son arkhè- ,
en l’arkhè-
tout à fait concrètement nécessaire.
est l’architecture
dont Marc Belderbos fut occupé
durant toute sa vie d’architecte.
Architecture au pas du Réel,
sous-tenant la possibilité du Symbolique.
Badiou prononça cela de manière inouïe.
‘L’architecture est l’intervalle violent entre le Réel et le Symbolique.’
fut la définition de
‘ce que devrait être l’architecture’
qu’il proposera
lors de sa conférence
que Marc Belderbos organisa en 2019
en fin de son travail académique à l’UCLouvain.
(Texte ici).
Définition d’une puissance synthétique et d’une exigence inouïes….
que Marc Belderbos ne faisait qu’approcher par sa longue maxime :
L’architecture
établit
au pas du Réel
une première dis-position de la matière
- dis-position nommée ‘espace’ -
pour le premier bien Être
de l’anthrope-sujet
qu’il, le Réel, y a là.
On y voit bien que
l’architecture n’existe pas.
Son mode d'être n'est pas l'existence.
Elle n’est pas une notion.
Elle est une opération.
Elle n'existe pas. Elle consiste.
Comme le verbe.
Elle inaugure la notion
de tenue , de consistance
avant toute chose.
Et elle est donc
hors Réel,
au pas du Réel
ou
établissant violemment
l’intervalle entre le Réel et le Symbolique.
Cette définition de Badiou ou
cette maxime de Marc Belderbos
prennent donc l’architecture comme arkhè-
nécessaire à la possibilité de la tenue du Symbolique.
C’est-à-dire, dans le fond,
arkhè- nécessaire à la vie anthropique
dans sa distinction de la vie animale.
toute étrangère, elle, au Symbolique.
Arkhè- concrètement nécessaire donc,
équivalent d’une éthique
comme concrète autorité première
par laquelle l’anthrope vit
une vie anthropique non animale.
Étrange équivalence entre
l’Éthique et l’Architecture
toute deux
‘concrètes autorités premières
par laquelle l’anthrope vit ‘
…En lui permettant un bien Être
qui est justement….
de ‘vivre par une É ;thique’.
Marc Belderbos développera cela en détail dans son long ouvrage,
la Raison de l’augure,
publié en fin 2022.
*
Cette constance
- son père , très marquant, se prénommait Constant –
dans son travail et sa recherche
fut remarquée.
En 1995
reconnaît dans son architecture une consistance
nécessaire à son école St Lucas à Gand
Il l’appelle à enseigner et le maintient à son poste.
Cette école deviendra la Faculté d’Architecture de la KULeuven
Jean Stillemans,
devenu responsable de l’enseignement de l’architecture à l’ UCLouvain,
fait de même.
Marc Belderbos restera enseigner dans ces deux universités jusqu’en 2019.
A sa recherche essentielle, exposée ci-dessus, il ajoutera la participation à une trentaine de colloques internationaux dans le monde entier.
Hors Belgique, il y défendra essentiellement la question du rapport entre l’architecture et l’écologie. Son travail là fut essentiellement de prononcer la réponse à la question, Y a-t-il un espace architectural écologique ?.
En Belgique se distinguent quelques participations à des colloques organisés par le LAA sous la direction de Jean Stillemans.
On trouvera les textes de ces participations sur ce site au fur et à mesure que celui-ci se développera.
Il fut aussi éditeur d’un colloque à la KUL :‘The unthinkable doctorate’ qui questionna la question d’un doctorat en architecture ou en recherche architecturale.
Un autre moment de reconnaissance du travail de Marc Belderbos se produisit en 1995
Geert Bekaert, rare critique, publie “Architecture contemporaine en Belgique “.
Une œuvre de Marc Belderbos se trouve en couverture…. Et le texte de Bekaert à propos du travail de Marc Belderbos est assez consistant.
*
Il reste un dernier point… qui suspendra le vie d’architecte de Marc Belderbos.
Marc Belderbos se rendit un dizaine de fois au Japon.
Il y fut saisit par l’architecture traditionnelle et par celle de Sejima , Sanaa , Ryue Nishisawa, et Junio Ishigami.
Il y remarquera, dans l’architecture de ces trois contemporains, une poursuite de la tradition.
Il les analysera longuement dans son ouvrage ‘La raison de l’augure’.
Mais il sera saisi que ce qu’ils défendaient, en insu, en architecture :
‘Non-opposition entre intérieur et extérieur.
Non-opposition entre fini et infini.
Non-opposition entre face et profondeur.
C’est-à-dire d’une triple ouverture active ou structurante comme un verbe
Ouverture structurante entre intérieur et extérieur.
Ouverture structurante entre fini et infini.
Ouverture structurante entre face et profondeur’.
à savoir les conditions d’une pensée et d’une architecture contemporaine…
Tout cela impliquait,
comme le faisait ces architectes,
de retirer la masse de la matière
pour que
cette triple non-opposition
ou
cette triple ouverture structurante
soient possible.
Le Louvre Lens est un paradigme de cela.
….
Marc Belderbos fut saisi de ne pas avoir pu prononcer cela plus tôt
dans son travail d’architecture.
Tout son travail d’architecture n’a jamais renoncé à la masse de la matière…
Bien , dramatiquement, au contraire.
Il fut tellement saisi par cette constatation
qu’il suspendit son travail d’architecte…
Né, comme architecte en 1980,
Marc Belderbos finit alors sa vie d’architecte…
Tags : Architecturer – Marc - Belderbos - Biographie