1992 Astene
Encore plus fermement que tous les précédents,
ce projet pourrait se voir comme
un essai d’une architecture ouverte ou non-humaniste…
L’architecture humaniste
dont la structure fut définie à la Renaissance
est une architecture fermée
qui construit
un espace intérieur entièrement séparé de l’extérieur.
Mêmes les fenêtres étaient plus hautes que les yeux.
Cette architecture
oblitérait complètement le Réel en elle.
Le rejetait drastiquement à l’extérieur
et procédait à l’établissement d’un espace
entièrement intérieur et entièrement construit.
Le nombre entier fini y régnait.
Ce qui n’était pas entier était ‘malade’.
Le Réel oblitéré
entièrement extérieur,
faisait place
à une Réalité
entièrement intérieure,
entièrement finie,
cachée derrière une façade
qui ne laissait rien savoir
de la profondeur intérieure du bâtiment.
Cette architecture était celle qui,
finissant le Moyen-Âge,
accompagnait une assurance mentale
que l’anthrope était Homme fini
et suffisant à construire
un Monde fermé, hors Réel fini et entier.
Rien en architecture
n’a formellement contredit
depuis la Renaissance
cette attitude
prônant
le fermé fini coupé du Réel
et cela jusqu’au pavillon de Barcelone de Mies Van der Rohe
prônant
l’ouvert infini convoquant en soi l’infini Réel
clairement dans la voie de pensée
que l’anthrope était sujet en non Homme.
*
Que voit-on dans ce projet ?
Le projet s’élance sur un terrain
où se trouve un bâtiment industriel de 10 mètres sur 60.
Ce bâtiment enserrait
un espace ‘renaissant’
entièrement fermé par quatre murs
et sans aucun rapport avec l’extérieur.
Aucune ouverture donc.
Seule, une longue verrière zénithale éclairait cet intérieur pur.
Le projet
croisera cet espace fermé fini
par une structure spatiale,
ouverte, infinie,
s’étendant sur tout le terrain
et virtuellement au-delà
à l’infini
en se mesurant à tout le Réel et tout le paysage.
On le voit immédiatement en plan :
Une longue ligne,
virtuellement infinie,
traverse le terrain passant
juste par la façade arrière du bâtiment.
Au-dessus de cette ligne,
tout est laissé au Réel et au paysage.
Sous cette ligne
s’introduit d’abord une ligne oblique
commençant à la frontière droite du terrain,
traversant le bâtiment
et continuant san fin à travers tout….
Elle forme avec la première ligne
un coin infini
qui n’est pas un triangle fini…
En dessous de ce coin
et parallèle à l’oblique
un grand niche
divisée en cinq
s’appuie dans le bâtiment
mais se poursuit infiniment à l’extérieur.
Il n’y a rien d’autre dans ce projet en plan…. 8 lignes sur terre
Les murs prennent en eux le même acte :
un coin infini venu du ciel dans une oblicité identique à celle en plan
*
Et la synthèse est la suivante
D’abord,
un lieu Renaissant entier fini
pour un anthrope-Homme
dont l’espace est en
opposition entre
fini et infini
opposition entre
intérieur et extérieur ;
opposition entre
façade face au Réel et profondeur intérieure de pure Réalité anthropique ;
opposition exclusive donc entre
Réel et Réalité…
…
Ce lieu renaissant entier fini
pour un anthrope-Homme
est bouleversé
par un lieu in-fini infini
pour un anthrope-Sujet
dont l’espace est en
non-opposition entre
fini et infini ;
non-opposition entre
intérieur et extérieur ;
non-opposition entre
façade face au Réel et profondeur intérieure de pure Réalité anthropique ;
non-opposition exclusive donc entre
Réel et Réalité…
On note de plus que l’oblicité est essentielle au projet.
Qu’est-ce l’oblicité ?
Le ‘droit’ est ce qui continue toujours dans la même direction
c’est-à-dire que le droit se fait de ce qu’il y a déjà.
L’intention de la droite en politique peut se dé-finir comme telle.
Elle fait avec ce qu’il y a déjà
Elle est toujours finie
L’oblique,
qui a besoin de la droite,
est ce qui va vers de l’autre
même insu
elle s’ouvre donc à l’autre
invraisemblable et par là in-fini…
La véridicité est ‘droite’ et finie.
Elle dit ce qu’il y a déjà.
La vérité est ce qui découvre l’autre qu’il n’y a pas encore
La vérité se fait d’un mouvement vers l’autre
La vérité est oblique.
En un mot ce projet s’est fait
de ce que la vérité est oblique
et
de ce que le monde clos des figurations certaines est fini.
*
J’étais jeune et peu mature
quand j’ai dessiné ce projet.
Et donc,
malgré quelques pensées synthétiques décrites ci-dessus
pertinentes quant à ce que
l’architecture ne peut plus être là pour soutenir
la sensibilité d’un Anthrope-Homme
fini et fermé en sa suffisance
mais que l’architecture doit, éthiquement, être à présent là pour soutenir
la sensibilité un anthrope-sujet
in-fini infini, ouvert à l’autre par insuffisance inaugurale.
Ce qui est incongru dans ce projet,
comme dans toute mon architecture,
est que je n’avais pas encore distingué
la masse de la matière.
La masse ne se traverse pas.
Elle arrête l’espace …. Le rend fini et replié sur soi…
C’est une incongruité avec l’idée d’une architecture in-finie infinie.
Si cette architecture est bien de matière
dont le mot grec, ‘phusis’, veut dire ‘ce qui rend possible’,
cette architecture n’est pas de masse.
Elle est de matière sans masse.
Cela,
Sejima et Nishisawa
l’ont magnifiquement montré au Louvre Lens,
bâtiment paradigmatique
d’une architecture in-finie infinie
non anthropocentrique,
mais pour un anthrope sujet.
En dehors du bâtiment,
dans le jardin si on veut,
cette architecture est transparente.
Et cette incongruité n’y existe pas.
A l’intérieur du bâtiment,
les grand coins ouverts
qui fendent chaque murs
et font ainsi participer visuellement
chaque espace à tous les autres,
tempèrent un peu cette incongruité…
Mais je me demande si c’est suffisant.